Molière prochainement censuré ?

Publié le par Dialectikon

   

En 2009, au nom de la loi Evin, la régie publicitaire du métro parisien avait masqué la pipe de notre cher et bon vieux Tati sur une affiche présentant une exposition.  Depuis, les députés socialistes ont proposé une loi qui vient d’être rejetée excluant les œuvres artistiques d’une appréciation de la loi trop rigoureuse.
Le gouvernement répond en promettant une circulaire, il faut bien occuper les fonctionnaires, et en appelle à une autocensure.
 
Voici un message que, divine surprise, le modérateur du Figaro a accepté de laisser passer sur le site internet.
 
Ni Louis XIV, ni les dévots n'auraient osé : bientôt Molière sera censuré par notre  Etat et nos élites bien engagés sur la route de la servitude.
 
Souvenons-nous :
" ACTE I, Scène première du Don Juan :
 
SGANARELLE, tenant une tabatière : Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l’on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu’on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d’en donner à droit et à gauche, partout où l’on se trouve ? On n’attend pas même qu’on en demande, et l’on court au-devant du souhait des gens: tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d’honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. "
 
La force juridique d'une circulaire est très limitée : le bon Sganarelle ne se contente ni d'une évocation ni d'une représentation du tabac mais en fait l'éloge. La Comédie Française sera-t-elle contrainte de supprimer ces premières lignes ou l'acteur devra-t-il porté un écriteau joyeusement bordé de noir, « fumer tue » en s'écriant « qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre » ?
 
Les censeurs, peut-être vexés dans leur jeunesse d'arborer de « vilains nez » ont-ils déjà pensé à interdire aux enfants de chanter « j'ai du bon tabac » ?
 
Mais Molière n'est-il pas, à l'aune de nos lois présentes et futures plus coupable encore ?
Payé et soutenu par le Roi, premier industriel du tabac puisque la « manufacture » était un monopole royal, n'y avait-il pas conflit d'intérêt avec cette publicité qui ouvre, on ne sait pourquoi, la pièce ?
 
Lorsque la pression sociale et politique sur la création et la liberté d'expression est telle, il est honteux d'évoquer l'autocensure. 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article