Tartuffe, patron de presse

 

Janvier 2008

                                       

Tout le monde connaît l'adage attribué aux chinois : « Lorsque le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt ».

Au volume d'articles et de réactions consacrés à l'escapade présidentielle  en Egypte, notre sage-illusionniste a connu un franc succès .

 

Ceux qui se gaussaient de la France étriquée et collet monté d'avant les années 68 s'offusquent aujourd'hui du prétendu manque de dignité qui affaiblirait la fonction présidentielle. Libé choqué, de qui se moque-t-on ?


Lors de la conférence de presse du président de la
république de janvier, il a fallu subir en deuxième position la question sur les amours présidentielles.

Il y avait pourtant beaucoup à dire, à redire, à débattre et à s'interroger à l' énoncé de son discours, l'équivalent d'une dizaine de pages serrées : mais les participants l'ont-ils seulement écouté ? Et les journalistes se plaignent d'être « instrumentalisés » ? Ils brocardent le président sur ses capacités de communicant ou de manipulateur : qu'est-ce qui les empêche de s'en affranchir ?

 

En ne posant aucune question sur le sujet, ils auraient pris Nicolas Sarkozy à son propre piège et il se serait pour le coup ridiculisé en l'abordant de lui-même.

 

Toute la classe médiatique a su observer pendant plusieurs décennies un silence glacial et complaisant sur le double foyer de FrançoisMiterrand financé par les contribuables. Pourquoi les journalistes se précipitent-ils  désormais comme des mouches sur la moindre lumière, virevoltant et vrombissant, la bouche tordue de plaintes et de lamentations alors qu'ils sont directement responsables de qu'ils écrivent, du choix et de la forme de leur sujet ?

Le Président s'expose personnellement ? Ils ne sont pas obligés d'en parler.

 

Au cours du mois de Décembre par exemple les journalistes de Radio Classique ont servilement ressassé jour après jour les mêmes remarques de potaches sur la « fréquentation » du président. Il est vrai aussi que par ailleurs le chroniqueur attitré avait désormais réduit la revue de Presse à la paraphrase de l'éditorial de Libération pendant que le reste de la rédaction (sic) faisait l'apologie des FARC et de leur complice Hugo Chavez : il fallait les entendre s'extasier de l'annonce « du geste spectaculaire » de la libération imminente de trois otages. ( l' enfant martyr en faisait alors partie )

Dire qu'il y a un an encore, c'était la radio de l'économie !

 

Si Sarkozy abuse du Glamour pour ses déplacements personnels, se souvient-on que  ses prédécesseurs abusaient du GLAM pour ces mêmes motifs... A nos frais.

Un journal comme Le Point n'a pas attendu ces derniers mois pour nourrir semaine après semaine une page pipelette : son titre « Ces gens là » recèle d'ailleurs sur le plan sémantique  ce petit côté hautain et méprisant de ceux qui sont au dessus de tout cela... mais regardent et en parlent quand même.

« Chez ces gens-là, Monsieur, chantait Brel, on ne vit pas, Monsieur, on ne vit pas... On triche... »

 

La classe médiatique indignée, la main sur les yeux regarde en douce à travers les doigts écartés : « Cachez ce sein que je ne saurais voir... » C'est le cas de le dire.

Tout le monde sait que le prestidigitateur habile attire le regard sur la main droite pour détourner l'attention de la main gauche avec laquelle il prépare son tour de passe passe.

Le public peut applaudir l'artiste sans s'en laisser conter. 

 

En laissant cet os à ronger aux professionnels de l'indignation et de l'opposition systématique Nicolas Sarkozy pensait déminer les chasses aux scoops et aux photos scabreuses. Le tintamarre que cela a déclenché s'est amplifié parce que c'était la seule solution pour décrédibliser le président aux yeux de la France conservatrice.

 

Jamais De Gaulle ne se serait permis ce genre d'attitude répètent, offusqués, nos nouveaux censeurs.

Sans évoquer la différence d'âge et de culture, il faut quand même rappeler que sur l'unique chaîne en noir et blanc officiait alors Pierre Desgraupes ou Pierre Demayet et les enfants souriaient en regardant à la Piste aux Étoiles les singes s'applaudir après leur tour : il n'y a pas grand chose de changé, ces derniers ont seulement été remplacés par Ruquier, Cauet et leurs invités.

Autres temps, autres mœurs.

 

Ces mêmes censeurs se souviennent-ils qu'ils traquaient les informations sur un prédécesseur de Sarkozy dont la rumeur parisienne insistante disait qu'il avait été surpris à l'heure du laitier par un accident de la circulation et que sa « fréquentation » était une comédienne de renom ?

Ou, en remontant dans le temps, cet autre chef de l'État, mort en galante compagnie et dont la « connaissance » s'était esquivée par la porte de derrière ?

Ou ce directeur du Figaro, à la veille de la Grande Guerre, assassiné par la femme du président du conseil parce qu'il menaçait son mari de divulguer une correspondance intime ?

La presse est pipelette par essence : elle aime les vedettes, les aventures croustillantes et la petite histoire des grands de ce monde. Et parce que le plus grand nombre aussi l'achète pour ça.

Sarkozy s'en sert.

 

Un jour peut-être la classe médiatique se lassera de sa responsabilité dans la pipelettisation de la vie politique et découvrira enfin que le doigt que leur tendait le président et qu'elle fixait avec tant de constance n'était pas celui qu'elle croyait.

 

Et elle rougira.

 

Alain C.TOULLEC

 

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