Un pays de 60 millions de charretiers
La France est désormais un pays de 60 millions de charretiers.
Il ne devrait pas être acceptable de traiter un opposant politique de la sorte, que ce soit un homme ou une femme. L'excuse lamentable du « off » de Patrick Devedjian est inadmissible.
Il ne devrait pas être acceptable de traiter un opposant politique de la sorte, que ce soit un homme ou une femme. L'excuse lamentable du « off » de Patrick Devedjian est inadmissible.
Le principal effet pervers de cette sortie est de retirer toute légitimité à la pourtant juste critique du comportement de Madame Comparini, socialiste sous le masque de l'UDF, se faisant élire par les voix de droite et ayant participé activement à la curée sur Charles Millon. Rendons grâce à François Bayrou de cette salutaire clarification politique de ces dernières semaines. On ne saura jamais s'il y a eu une entente entre Charles Millon et le Front National lors des élections du Conseil Régional du Rhône-Alpes en 1999 mais on sait maintenant qu'il y avait bien entente objective entre l'UDF et les Partis socialiste et communiste.
Il reste qu'en insultant Madame Comparini, Patrick Devedjian noue la parole libre et critique : difficile de courir quand on se tire une balle dans le pied.
Mais qu'il est étonnant ce concert d'exclamations et d'offuscations des bonnes âmes, qui, Ô grands dieux, n'oseraient jamais employer un tel vocabulaire !
Entendons la clameur assourdissante de la secte majoritaire des hypocrites !
Pourtant, qui a protesté sur les plateaux de télévision au soir du second tour, journalistes, hommes et femmes politiques, observateurs ou même proches du Président de la République lorsque les militants socialistes scandaient rue de Solférino « Sarko, salaud le peuple aura ta peau » ou avec sa variante « Sarko, Facho... » ce qui est peut-être encore pire ? Longue tradition de la gauche militante : résonnent encore dans mes oreilles les « Debré, salaud, le peuple aura ta peau » de 1973 lors de la mise en œuvre de la réforme universitaire ! Combien y sont passés dans l'indifférence générale ? Souvenez-vous que les « Ponia » et autres « Bonnet » ont eu le droit à ces mêmes insultes. Mais ce sont des hommes me direz-vous... Ah ! Bon, il y aurait une différence entre les hommes et les femmes ?
Plus près de nous, en 1993, les « Balladur, ordure » peints sur le visage des lycéennes n'ont pas déclenché, sinon une tempête comme aujourd 'hui, du moins le moindre zéphyr médiatique.
Mais ils n'écoutent jamais la radio, ne regardent la télévision que le son coupé et n'entendent pas à tout propos dans la rue, le métro ou les cours des lycées la prolifération des insultes systématiques, bâtards, enfoirés ou son synonyme médicalement plus précis ? Et toutes ces phrases incessamment ponctuées de « con » et « putain » par des français de tous âges et de toutes conditions ! Ils ne reçoivent donc pas sur leur poste « Canal + » en clair ?
Non, décidément, l'insulte, quelle que soit la cible est inexcusable.
Sa généralisation relève de l'irresponsabilité, de l'indifférence ou du mépris envers l'autre, on disait « son prochain » dans le temps. C'est la règle du « droit à », et spécifiquement ici le droit inaliénable à dire « ce que je pense ». La franchise et la liberté d'expression sont souvent les masques de la grossièreté.
Lors de son premier entretien à la radio, Madame Fadela Amara, Secrétaire d'Etat auprès du ministre du logement de la République Française (!), pour répondre à une question qui devait l'embarrasser sur ce que pouvait penser ses anciens amis a lancé « Mais je n'en ai rien à foutre... »
On ne peut réclamer le respect pour soi en s'affranchissant du respect des autres, des auditeurs, des électeurs ou des opposants et contradicteurs.
Certes, ces dérapages ne reflètent pas les qualités intrinsèques des uns et des autres, de Fadela Amara à Patrick Devedjian. Mais comprendra-t-on un jour qu'il n'y a pas de déchéance à parler un français correct et respectueux ?
Et dire que certains s'étonnent encore que le français ne soit plus la langue des diplomates ? La faute aux méchants américains sans doute !